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16 mai 2012 3 16 /05 /mai /2012 08:27

La chambre criminelle vient apporter sa contribution à la construction de l’édifice de l’obligation de sécurité en condamnant pour la première fois l’employeur pour non-respect de l’obligation d’évaluer les risques. On trouve également les prémices d’une autre dimension qui va apparaître : c’est l’organisation du travail qui est au cœur d’une bonne ou mauvaise application de la sécurité (conf. Arrêt du 5 mars 2008 )

 

 

Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 15 mai 2007
N° de pourvoi: 05-87260

Attendu que, pour retenir la culpabilité de la société Automobiles Citroën, l'arrêt énonce que le démontage de l'outil comportait une série d'opérations délicates à exécuter, dans un ordre déterminé, avec le risque, en cas de mise en place prématurée des cales, de provoquer le flambage de ces éléments ; que les juges relèvent que les deux salariés qui procédaient à cette tâche n'avaient reçu aucune formation spécifique, n'avaient pas été destinataires de directives particulières sur la mise en place des cales et n'avaient pas été informés des risques encourus en cas de positionnement inadéquat ou prématuré desdites cales ; qu'ils ajoutent que l'obligation d'évaluation des risques pesant sur le chef d'établissement en vertu de l'article L.230-2 du code du travail devait se traduire par une organisation plus rationnelle du travail spécifique que constituait le démontage de l'outil et aurait dû conduire le chef d'établissement à ne pas laisser le poste de travail de la victime dans le champ d'une zone de projection d'éléments dangereux ; qu'ils précisent que les fautes relevées sont imputables au directeur de l'établissement, titulaire d'une délégation de pouvoirs en matière de sécurité, ayant, comme tel, la qualité d'organe ou représentant de la société Automobiles Citroën au sens de l'article 121-2 du code pénal, ce qui entraîne la responsabilité pénale de la personne morale en application de l'article 222-21 du même code.

 

 

De son côté la 2ème chambre civile qui traite du contentieux AT-MP fait évoluer en 2007 la définition de l’accident du travail qui avait déjà évolué en 2003. Elle admet qu’un accident qui se produit à un moment où le salarié ne se trouve plus sous la subordination de l’employeur puisse constituer un AT s’il est établi qu’il est survenu par le fait du travail. Bien plus elle admet que cet AT débouche sur une faute inexcusable de l’employeur qui aurait dû avoir conscience du danger auquel il exposait le salarié (syndrome anxio-dépressif lié à une dégradation continue des relations de travail)   

 

22 février 2007 – 05-13771 :

« Mais attendu qu'un accident qui se produit à un moment où le salarié ne se trouve plus sous la subordination de l'employeur constitue un accident du travail dès lors que le salarié établit qu'il est survenu par le fait du travail ; Et attendu que la cour d'appel, pour décider que M. X... avait rapporté la preuve qui lui incombait, ne s'est pas fondée sur les seules affirmations de celui-ci ; »…

« Mais attendu qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité de résultat, et que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; Et attendu que les énonciations de l'arrêt, selon lesquelles l'équilibre psychologique de M. X... avait été gravement compromis à la suite de la dégradation continue des relations de travail et du comportement de M. Y..., caractérisent le fait que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, a pu en déduire que M. Y... avait commis une faute inexcusable »

 

 

La chambre sociale a également fortement fait progresser l’effectivité de l’obligation de sécurité dans un arrêt du 19 décembre 2007. Les réserves du médecin du travail et ses préconisations sont essentielles à prendre en compte si l’employeur ne veut pas déboucher sur un licenciement sans cause réelle et sérieuse, voire nul. Le non-respect de l’avis du MT et la non-indication des motifs qui s’opposent au reclassement est une atteinte à l’obligation de reclassement

 

 

« Mais attendu que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité en prenant en considération les propositions de mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs que le médecin du travail est habilité à faire en application de l'article L. 241-10-1 du code du travail ; que le chef d'entreprise est, en cas de refus, tenu de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite ;

Et attendu que la cour d'appel, après avoir relevé que les réserves du médecin du travail étaient de nature à expliquer l'insuffisance de résultats reprochée au salarié, a constaté que l'employeur, qui ne pouvait ignorer les difficultés qu'il rencontrait, n'avait pas cherché à lui fournir un poste compatible avec les recommandations de ce médecin ; qu'en l'état de ces constatations, d'où il résulte que l'employeur n'a pas respecté les prescriptions de l'article L. 241-10-1 alinéa 2, du code du travail, elle en a exactement déduit que la sanction injustifiée prise à son encontre devait être annulée et que l'employeur avait commis une faute entraînant pour le salarié un préjudice dont elle a souverainement apprécié l'étendue ; que, sans avoir à suivre les parties dans le détail de leur argumentation, elle a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision »

 

 

Dans un autre arrêt du 28 novembre 2007, elle élargit le champ d’intervention du CHSCT en l’autorisant à intervenir en amont sur les procédures d’évaluation mises en place par l’employeur car elles peuvent avoir un impact sur le comportement des salariés, leur évolution de carrière, et leur rémunération, et générer une pression psychologique entraînant des répercussions sur les conditions de travail (28  novembre 2007 – 06-21964).

 

« Mais attendu qu'ayant relevé que les évaluations annuelles devaient permettre une meilleure cohérence entre les décisions salariales et l'accomplissement des objectifs, qu'elles pouvaient avoir une incidence sur le comportement des salariés, leur évolution de carrière et leur rémunération, et que les modalités et les enjeux de l'entretien étaient manifestement de nature à générer une pression psychologique entraînant des répercussions sur les conditions de travail, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel a exactement décidé que le projet de l'employeur devait être soumis à la consultation du CHSCT chargé, par application de l'alinéa 1 de l'article L. 236-2 du code du travail, de contribuer à la protection de la santé des salariés ; que le moyen n'est pas fondé ».

 

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