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15 juin 2012 5 15 /06 /juin /2012 12:45

En 2009, de nouveaux développements sont intervenus sur le contenu et la portée de l’obligation de sécurité. Ainsi le droit de retrait se voit attribuer une force nouvelle qui constitue pour le salarié un outil pour défendre sa santé et représente pour l’employeur un risque financier non négligeable.

 

Un arrêt du 28 janvier 2009 introduit une évolution marquante : le salarié qui est licencié alors qu’il bénéficiait du droit de retrait profite de la nullité du licenciement : confirmation que l’atteinte à la santé touche à un droit fondamental. Parce que l’obligation de sécurité devient de plus en plus intense.

 

Un salarié peintre apprenant la décision de l'employeur de ne laisser qu'une seule personne sur ce poste, il a signalé, le 16 janvier 2002, le risque présenté par cette décision, en raison du sol glissant de la cabine située au-dessus d'une chaîne de montage avançant en continu sans qu'un autre opérateur de l'atelier puisse se rendre compte d'une éventuelle chute pour arrêter la chaîne ; que lors de sa prise de poste le 17 janvier 2002, il a exercé le droit de retrait prévu par l'article L. 231-8-1 devenu l'article L. 4131-3 du code du travail ; qu'il a alors refusé l'ordre de sa hiérarchie de rejoindre la cabine, tant qu'un second opérateur ne serait pas présent et de rejoindre un autre poste alors qu'il avait été remplacé ; qu'après avoir quitté l'atelier, il a repris son travail deux heures plus tard lorsque la décision de maintenir provisoirement un second opérateur sur ce poste a été prise, à l'issue de la réunion exceptionnelle du comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail consulté sur le sujet ; que, pour prévenir les risques d'accidents dénoncés, des aménagements ont été apportés avec l'accord de l'inspecteur du travail du 1er février 2002 ; que le salarié a été licencié pour faute grave par une lettre du 30 janvier 2002 motivée par le refus abusif de se conformer à plusieurs reprises aux consignes de la hiérarchie, la remise en cause du pouvoir de l'employeur et un "abandon de poste" ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale en demandant l'annulation de ce licenciement, sa réintégration et le paiement des salaires depuis son licenciement ;

 « Attendu que pour rejeter ces demandes, la cour d'appel relève que les griefs énoncés dans la lettre de licenciement à l'encontre de M. X... tiennent aux circonstances de l'exercice régulier de son droit de retrait, qu'ils ne sauraient dès lors ni caractériser une faute grave, ni constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement et ajoute que si ce licenciement est ainsi privé de cause, il n'est pas pour autant annulable ; »

 

« Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le salarié avait exercé régulièrement le droit de retrait et que les griefs formulés dans la lettre de licenciement tenaient aux circonstances de son exercice contesté par l'employeur, la cour d'appel a violé le texte susvisé »

 

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22 mai 2012 2 22 /05 /mai /2012 16:35

L’année 2008 a été particulièrement riche en arrêts portant sur l’obligation de sécurité de l’employeur. Ils ont en commun de cantonner de plus en plus fortement le pouvoir d’organisation et de direction de l’employeur lorsqu’il porte atteinte à la santé et la sécurité des salariés.

 

C’est ce qui ressort de la formule choc de l’arrêt du 5 mars 2008 : « Mais attendu que l'employeur est tenu, à l'égard de son personnel, d'une obligation de sécurité de résultat qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs ; qu'il lui est interdit, dans l'exercice de son pouvoir de direction, de prendre des mesures qui auraient pour objet ou pour effet de compromettre la santé et la sécurité des salariés ».

 

Cet arrêt contraste avec celui rendu par la chambre Plénière le 8 décembre 2000 selon lequel « il n’appartient pas au juge d’apprécier le choix opéré par l’employeur entre les différentes solutions de réorganisations possibles » dans le cadre d’un licenciement économique.

 

En conséquence une nouvelle organisation du travail qui augmente les risques du travail peut entraîner une suspension de la mesure pour contraindre l’employeur à respecter son obligation de sécurité. Certains auteurs se demandent s’il ne s’agit pas d’un retour à la théorie institutionnelle de l’entreprise.

 

Cette approche est également celle des juges du fond qui statuent en urgence – ainsi suite à un déménagement dans les locaux aveugles : le non-respect des règles sur l’éclairage, la lumière naturelle, la fatigue visuelle aboutit « à une dégradation des conditions de travail » qui justifie que le CHSCT refuse de donner son avis – l’employeur doit prendre les mesures en concertation avec lui  TGI Nanterre – 8 janvier 2008.

 

Par ailleurs la chambre sociale renforce encore la portée des préconisations du médecin du travail en imposant à l’employeur de retourner devant le médecin du travail si le salarié conteste la compatibilité du poste avec les recommandations du médecin du travail ( 6 février 2008). Cette règle est à nouveau entièrement jurisprudentielle – il y a donc deux types de contentieux : la contestation de l’avis du médecin du travail par le salarié relève de l’inspecteur du travail et la contestation de la compatibilité de l’avis avec la décision de l’employeur relève d’un arbitrage du médecin du  travail.

 

Fin 2008 se sont multipliées les décisions qui autorise le CHSCT, à l’instar du Comité d’entreprise dans les plans de sauvegarde de l’emploi, à suspendre en référé les projets des employeurs visant des réorganisations du travail ou des procédés d’évaluation du travail provoquant des contraintes supplémentaires pour les salariés. Ainsi la mise en place par la RATP de voyageurs « mystères » pour évaluer l’accueil des clients par les agents de station ( CHSCT contre RATP 18 décembre 2008)  ou encore la migration de la messagerie d’une entreprise ( Nextiraone France contre CHSCT Paca-Corse Nextiraone).

 

En 2008 sont également plaidés pour la première fois des affaires où des salariés ont recours au CP pour obtenir une indemnisation complémentaire à leur préretraite amiante. L’allocation de cessation anticipée des victimes de l’amiante est versée à certains salariés qui atteignent un certain âge et qui cessent toute activité. Ces salariés ne touchent que 65 % de leur ancien salaire et sont venus réclamés aux prud’hommes le complément au titre d’une perte de chance (42553 euros par exemple) . Le juge en départage admet la responsabilité contractuelle de la société Alsthom et ordonne en plus le paiement de 10 000 euros au titre du préjudice d’angoisse ( cp Bergerac – 26 juin 2008).

 

Un autre arrêt de la Cour d’appel de Versailles admet une telle indemnisation sur la base du non-respect de l’obligation de sécurité et le fondement de 1147 CC. Les juges constatent que les salariés avaient le choix entre rester en continuant à être exposés à l’amiante soit partir à 50 ans avec une diminution de revenu de 35 % . Il s’agit donc d’une privation d’un déroulement normal de carrière qui est indemnisé dans ce cas à hauteur de 24 538 euros et rendu opposable à l’AGS

 

Les juges du fond commencent à étendre l’obligation de sécurité à des domaines très  techniques où l’interprétation en faveur de la protection de la santé prévaut néanmoins.

 

Ainsi dans une affaire EDF, un salarié réclamait simplement, si l’on peut dire, un certificat d’exposition aux risques concernant des produits reprotoxiques, mutagènes ou cancérogènes.  Après une carrière de 20 ans dans la maintenance des centrales nucléaires. EDF oppose une résistance farouche à cette démarche en mobilisant toutes les arguties juridiques possibles (compétence – exposition avant la parution du texte – absence d’urgence). Le CP puis la Cour d’appel confirment leur compétence, ordonnent la remise d’un certificat conforme à l’article R 4412-25. Malgré cela, EDF exécute de mauvaise foi la décision en se contentant de renvoyer à la décision de justice. Une nouvelle action est engagé pour liquider une astreinte provisoire et en prononcer une autre définitive   CA de Paris – 18 ème chambre - 4 décembre 2008, cette décision s’inscrit dans l’évolution de la jurisprudence tendant à préserver la santé des salariés , mais montre aussi qu’une grande entreprise comme EDF peut faire obstacle à des démarches légitimes et qu’il faut une capacité d’expertise et de mobilisation hors du commun de la part des syndicats et des salariés pour aboutir dans leur démarche.

 

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16 mai 2012 3 16 /05 /mai /2012 08:27

La chambre criminelle vient apporter sa contribution à la construction de l’édifice de l’obligation de sécurité en condamnant pour la première fois l’employeur pour non-respect de l’obligation d’évaluer les risques. On trouve également les prémices d’une autre dimension qui va apparaître : c’est l’organisation du travail qui est au cœur d’une bonne ou mauvaise application de la sécurité (conf. Arrêt du 5 mars 2008 )

 

 

Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 15 mai 2007
N° de pourvoi: 05-87260

Attendu que, pour retenir la culpabilité de la société Automobiles Citroën, l'arrêt énonce que le démontage de l'outil comportait une série d'opérations délicates à exécuter, dans un ordre déterminé, avec le risque, en cas de mise en place prématurée des cales, de provoquer le flambage de ces éléments ; que les juges relèvent que les deux salariés qui procédaient à cette tâche n'avaient reçu aucune formation spécifique, n'avaient pas été destinataires de directives particulières sur la mise en place des cales et n'avaient pas été informés des risques encourus en cas de positionnement inadéquat ou prématuré desdites cales ; qu'ils ajoutent que l'obligation d'évaluation des risques pesant sur le chef d'établissement en vertu de l'article L.230-2 du code du travail devait se traduire par une organisation plus rationnelle du travail spécifique que constituait le démontage de l'outil et aurait dû conduire le chef d'établissement à ne pas laisser le poste de travail de la victime dans le champ d'une zone de projection d'éléments dangereux ; qu'ils précisent que les fautes relevées sont imputables au directeur de l'établissement, titulaire d'une délégation de pouvoirs en matière de sécurité, ayant, comme tel, la qualité d'organe ou représentant de la société Automobiles Citroën au sens de l'article 121-2 du code pénal, ce qui entraîne la responsabilité pénale de la personne morale en application de l'article 222-21 du même code.

 

 

De son côté la 2ème chambre civile qui traite du contentieux AT-MP fait évoluer en 2007 la définition de l’accident du travail qui avait déjà évolué en 2003. Elle admet qu’un accident qui se produit à un moment où le salarié ne se trouve plus sous la subordination de l’employeur puisse constituer un AT s’il est établi qu’il est survenu par le fait du travail. Bien plus elle admet que cet AT débouche sur une faute inexcusable de l’employeur qui aurait dû avoir conscience du danger auquel il exposait le salarié (syndrome anxio-dépressif lié à une dégradation continue des relations de travail)   

 

22 février 2007 – 05-13771 :

« Mais attendu qu'un accident qui se produit à un moment où le salarié ne se trouve plus sous la subordination de l'employeur constitue un accident du travail dès lors que le salarié établit qu'il est survenu par le fait du travail ; Et attendu que la cour d'appel, pour décider que M. X... avait rapporté la preuve qui lui incombait, ne s'est pas fondée sur les seules affirmations de celui-ci ; »…

« Mais attendu qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité de résultat, et que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; Et attendu que les énonciations de l'arrêt, selon lesquelles l'équilibre psychologique de M. X... avait été gravement compromis à la suite de la dégradation continue des relations de travail et du comportement de M. Y..., caractérisent le fait que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, a pu en déduire que M. Y... avait commis une faute inexcusable »

 

 

La chambre sociale a également fortement fait progresser l’effectivité de l’obligation de sécurité dans un arrêt du 19 décembre 2007. Les réserves du médecin du travail et ses préconisations sont essentielles à prendre en compte si l’employeur ne veut pas déboucher sur un licenciement sans cause réelle et sérieuse, voire nul. Le non-respect de l’avis du MT et la non-indication des motifs qui s’opposent au reclassement est une atteinte à l’obligation de reclassement

 

 

« Mais attendu que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité en prenant en considération les propositions de mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs que le médecin du travail est habilité à faire en application de l'article L. 241-10-1 du code du travail ; que le chef d'entreprise est, en cas de refus, tenu de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite ;

Et attendu que la cour d'appel, après avoir relevé que les réserves du médecin du travail étaient de nature à expliquer l'insuffisance de résultats reprochée au salarié, a constaté que l'employeur, qui ne pouvait ignorer les difficultés qu'il rencontrait, n'avait pas cherché à lui fournir un poste compatible avec les recommandations de ce médecin ; qu'en l'état de ces constatations, d'où il résulte que l'employeur n'a pas respecté les prescriptions de l'article L. 241-10-1 alinéa 2, du code du travail, elle en a exactement déduit que la sanction injustifiée prise à son encontre devait être annulée et que l'employeur avait commis une faute entraînant pour le salarié un préjudice dont elle a souverainement apprécié l'étendue ; que, sans avoir à suivre les parties dans le détail de leur argumentation, elle a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision »

 

 

Dans un autre arrêt du 28 novembre 2007, elle élargit le champ d’intervention du CHSCT en l’autorisant à intervenir en amont sur les procédures d’évaluation mises en place par l’employeur car elles peuvent avoir un impact sur le comportement des salariés, leur évolution de carrière, et leur rémunération, et générer une pression psychologique entraînant des répercussions sur les conditions de travail (28  novembre 2007 – 06-21964).

 

« Mais attendu qu'ayant relevé que les évaluations annuelles devaient permettre une meilleure cohérence entre les décisions salariales et l'accomplissement des objectifs, qu'elles pouvaient avoir une incidence sur le comportement des salariés, leur évolution de carrière et leur rémunération, et que les modalités et les enjeux de l'entretien étaient manifestement de nature à générer une pression psychologique entraînant des répercussions sur les conditions de travail, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel a exactement décidé que le projet de l'employeur devait être soumis à la consultation du CHSCT chargé, par application de l'alinéa 1 de l'article L. 236-2 du code du travail, de contribuer à la protection de la santé des salariés ; que le moyen n'est pas fondé ».

 

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11 mai 2012 5 11 /05 /mai /2012 09:23

En 2006, une nouvelle étape est franchie par une consécration de l’émancipation par rapport à l’obligation de sécurité de résultat en mettant l’accent sur l’effectivité du droit. Cet arrêt intervient sur un moyen relevé d’office ce qui est peu fréquent dans la pratique de la Cour de cassation.

 

Dans cette affaire un salarié victime d’un accident du travail est licencié 6 mois après la reprise du travail sans visite médicale préalable pour absences nombreuses avant et après l’accident perturbant le fonctionnement de l’entreprise. Il conteste le licenciement car il n’a pas pu bénéficier de la visite médicale. Le conseil de prud’hommes et la Cour d’appel le déboutent. La Cour de cassation casse la décision des juges du fond.

 

« Vu l' article L 230- 2, I, du Code du travail interprété à la lumière de la directive CE n° 89/391 du 12 juin 1989, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail ; ensemble les articles L. 122-32-2 et R. 241-51 du Code du travail ;

 

Attendu que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité »

 

Elle met en avant la fiction juridique et dénie la réalité ; ceci pour obtenir un résultat juridique jugé nécessaire : ce qui importe c’est que le droit devienne effectif et donc que les employeurs soient dissuadés d’agir hors du cadre juridique prévu :

 

«  qu'il ne peut dès lors laisser un salarié reprendre son travail après une période d'absence d'au moins huit jours pour cause d'accident du travail sans le faire bénéficier lors de la reprise du travail, ou au plus tard dans les huit jours de celle-ci, d'un examen par le médecin du travail destiné à apprécier son aptitude à reprendre son ancien emploi, la nécessité d'une adaptation des conditions de travail ou d'une réadaptation ou éventuellement de l'une et de l'autre de ces mesures ; qu'à défaut l'employeur ne peut résilier le contrat de travail à durée indéterminée du salarié, dont le droit à la sécurité dans le travail a ainsi été méconnu, que s'il justifie soit d'une faute grave de ce dernier, soit de l'impossibilité où il se trouve, pour un motif non lié à l'accident, de maintenir ledit contrat »

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26 avril 2012 4 26 /04 /avril /2012 16:16

Dans un arrêt de juin 2005, la Cour de Cassation tranche un débat de fond sur le fondement théorique de la faute inexcusable : applique-t-on celle de la causalité adéquate ou celle de l’équivalence des conditions ? Elle abandonne la théorique de la faute « dominante » pour opter pour la deuxième approche : il faut et il suffit que la faute de l’employeur soit nécessaire à la réalisation du dommage pour que la faute inexcusable soit constituée

 

Cass. ass. plén., 24 juin 2005 : Juris-Data n° 2005-029149

« Attendu qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail, et que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié mais qu'il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage. »

 

Dans un arrêt du 29 juin, la Cour de Cassation applique la théorie de l’obligation contractuelle de sécurité aux non-fumeurs en imposant à l’employeur « une obligation de sécurité de résultat vis-à-vis des salariés en ce qui concerne le tabagisme dans l’entreprise » et considère que «  n’avait pas satisfait aux exigences imposées par les textes… l’employeur qui malgré les réclamations de la salariée, s’était borné à interdire aux autres salariés de fumer en sa présence et à apposer des panneaux d’interdiction de fumer dans le bureau à usage collectif ». La prise d’acte de la rupture s’analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

 

 

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17 avril 2012 2 17 /04 /avril /2012 18:27

Tout a démarré par les arrêts « amiante » qui vont changer totalement le paysage du droit de la santé.  Par 28 arrêts rendus le même jour sur la question de l’amiante, la cour de Cassation suit la position des juridictions du fond et réactualise un concept qui n’avait pas évolué depuis un arrêt de 1941. Il s’agit, de l’avis unanime de la doctrine, d’une « révolution » en droit du travail.

 

« En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail ; le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ».

 

La jurisprudence a décliné par la suite le contenu de cette nouvelle obligation d’abord dans le champ de la sécurité sociale, puis dans celui du droit du travail en apportant constamment des précisions sur sa portée.

 

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9 avril 2012 1 09 /04 /avril /2012 20:33

L'encadrement  juridique de la sécurité au travail connaît depuis plusieurs années des évolutions majeures qui ne sont pas stabilisées. Ces évolutions vont dans deux sens opposés.


En effet, certains pans de la législation dénotent un intérêt croissant du législateur pour cette question (rapports sur la pénibilité, l’amiante, le harcèlement, la médecine du travail, le plan santé travail, la sous déclaration des accidents, la traçabilité des parcours professionnels...), d’autres déconstruisent des protections fondamentales qui avaient été élaborées pour protéger le salarié contre une « surexploitation » (extension des heures supplémentaires, suppression du repos compensateur, extension démesurée du forfait jour, non prise en compte de la pénibilité, travail de nuit des apprentis, allongement de la durée de l’activité professionnelle, travail le dimanche…)


La santé et la sécurité sont devenues « une part des droits de l’homme». Par ailleurs ce n’est plus une question privée, mais une question de santé publique, qui bouleverse les missions traditionnelles de l’Etat. Ce dernier a désormais  en charge non seulement d’élaborer des règles, d’en contrôler l’application, de sanctionner l’inobservation, mais aussi de se renseigner sur la réalité des dangers et d’en informer les personnes concernées. Ce changement de perspective résulte notamment de l’arrêt du tribunal administratif de Marseille qui avait déclaré l’Etat responsable des conséquences dommageables de la maladie dont a été victime le salarié à la suite d’une exposition à l’amiante. La Cour administrative d’appel de Marseille avait confirmé ainsi que le  Conseil d’Etat en 2003.


La question se posait du coup de savoir si l’obligation pesant sur les autorités publiques de se tenir informées des dangers pour la santé des travailleurs, de prendre les mesures appropriées et si possible, d’éliminer ces dangers, ne dispensait de fait les employeurs d’assurer la sécurité et la protection de la santé des travailleurs placés sous leur autorité. Suite à un ultime recours sur ce point, le Conseil d’Etat a estimé le 13 février 2008 qu’il n’est pas démontré que, dans le dossier en cause, « que l’origine du préjudice du salarié n’est pas exclusivement imputable à l’Etat ». La demande de partage de responsabilité par réduction des deux tiers est donc rejetée.


Le principe de précaution utilisé d’une manière peu rigoureuse participe aussi  de ce mouvement et met en scène de plus en plus d’affaires concernant les victimes du fait de sa non-application vraie ou supposée.

Enfin le volet pénal avec les procédures engagées en matière d’amiante a connu de nouveaux développements notamment dans des jugements récemment passés en appel tel que l’affaire Alsthom ou la condamnation de médecins du travail.


On est passé ainsi d’une situation où l’obligation de sécurité de l’employeur était de nature réglementaire à une situation où le droit de la santé et de sécurité est présumé être de nature contractuelle (arrêts amiante 28/02/2002)  avant une nouvelle ouverture vers toute la collectivité de travail présente sur les lieux quel que soit les liens contractuels.


D’une manière générale le droit à la santé et la sécurité est devenu un droit subjectif et le salarié ne peut être contraint d’effectuer une tâche qui représente un danger pour lui  si l’employeur n’a pas au préalable exécuté les obligations mises à sa charge pour assurer la protection de la santé au travail.

 

Attendu que pour juger que le licenciement de Mme X... était fondé sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que l'intéressée n'avait à aucun moment exercé son droit de retrait et ne s'était jamais prévalu d'une situation de travail dont elle aurait eu un motif de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, se bornant à faire état d'une incapacité psychologique et technique ;

Qu'en statuant ainsi par des motifs inopérants alors qu'elle avait constaté que les tâches demandées à la salariée l'exposaient à un agent cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction et que la fiche d'aptitude délivrée par le médecin du travail ne comportait aucune mention relative à l'absence de contre-indication à ces travaux, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;


Soc 18.12.2007 – 06-43801

 

De nombreux arrêts jalonnent la construction de cet édifice entièrement jurisprudentiel, ce qui pose le problème de sa stabilité : d’une part l’opinion des juges peut évoluer, ce qui expose les plaideurs à l’insécurité juridique car la jurisprudence est  de fait rétroactive. Par ailleurs le législateur vient régulièrement interférer dans la construction pour « casser » une jurisprudence qui ne convient pas à la majorité politique du moment.

 

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